mercredi 24 octobre 2007

Oaxaca, histoire d'une révolte sociale

Contexte :

Ulises Ruiz Ortiz s’est imposé comme gouverneur à travers la fraude électorale la plus coûteuse et scandaleuse de l’histoire récente de l’État fédéral de Oaxaca, Mexique. Il a essayé de remplacer sa non-légitimité par des attitudes autoritaires et antidémocratiques telles que l’annulation de fait des garanties constitutionnelles de libre-circulation, de manifestation, de droit de grève, d’organisation et d’expression, ainsi que la violation systématique et permanente des Droits de l’homme. En témoignent diverses déclarations et recommandations émises à son encontre par des organismes de défense des droits de l’homme à l’échelle fédérale, nationale et internationale, qui ont été systématiquement ignorées. L’un des derniers cas, parmi les plus notables, est celui qu’a exposé la Commission Civile Internationale d’Observation pour les Droits de l’homme (CCIODH), composée par des citoyens de douze pays de la Communauté Européenne et Amnesty International.
Les agressions du gouvernement de Ulises Ruiz Ortiz contre le peuple de Oaxaca ont été multiples : il a divisé et affronté des centaines de communautés indigènes ; il a destitué des autorités municipales nommées par les communautés elles-mêmes afin d’en imposer d’autres qui pouvaient garantir l’hégémonie de son parti, le PRI ; il a détruit une grande partie du patrimoine culturel de la capitale de l’État fédéral contre la volonté de ses habitants ; concernant les communautés indigènes les plus pauvres de l’État, il a systématiquement refusé d’apporter une réponse à leurs besoins de base, indispensables à leur survie, tels qu’eau potable, salles de classe, électricité, voies d’accès, centres de santé et soutien à la production ; les enseignants en grève, appuyés par les familles de leurs élèves, ont été agressés et emprisonnés, leurs demandes légitimes ont été refusées : augmentation de leur salaire en fonction du coût de la vie à Oaxaca, petits déjeuners, chaussures, uniformes et livres pour les élèves ; les femmes qui ont participé à la grève des instituteurs et aux manifestations populaires des enseignants ont été agressées même quand elles étaient enceintes, ce qui a provoqué des fausses couches ; beaucoup ont été emprisonnées, violées ou assassinées.


Ulises Ruiz Ortiz a fermé les bureaux du journal « Noticias », l’unique quotidien qui ne se soit pas soumis à ses buts, sans que les plaintes et les déclarations de soutien d’organismes de journalistes et de défense des Droits de l’homme, nationaux et internationaux, n’aient obtenu le retour du droit à l’information et à la liberté de la presse dans l’État fédéral de Oaxaca.


Les peuples et les organisations indigènes, populaires et d’enseignants qui se sont opposés à tant d’actes arbitraires, ont été réprimés, leurs dirigeants de base parmi lesquels de nombreux enseignants, ont été poursuivis et emprisonnés ; le pouvoir n’a pas hésité à manipuler la loi pour créer de toute pièce et leur imputer des délits qu’ils n’ont jamais commis ; des dizaines de militants ont été et se trouvent encore en prison. Dans des cas extrêmes, les dirigeants ont même été assassinés par des sbires du gouvernement de Ulises Ruiz, ces derniers recevant en récompense des mandats de députés ou des postes dans les structures du gouvernement de l’État fédéral.
Dans sa stratégie de la terreur, Ulises Ruiz a formé des groupes civils d’assassins qui ont semé la terreur dans les communautés et les organisations syndicales et communautaires qui dénoncent la barbarie gouvernementale.




Chronologie d'un feu qui court...



De l'année 2006



22 mai : 70 000 instituteurs de Oaxaca se mettent en grève. Le centre de la capitale est occupé. 20 000 grévistes et leur famille campent autour de la place principale.

14 juin : 2 000 policiers attaquent le campement à l'aube. Trois heures plus tard, les instituteurs, soutenus par la population reprennent le contrôle de la ville.



2,7 et 16 juin : des marches pacifistes rassemblent plus de 800 000 manifestants.



Fin juin : les occupations de mairies se multiplient, suivies d'expulsions des maires et conseils municipaux. On ferme les administrations et on réquisitionne les véhicules officiels.


2 juillet : Election présidentielle. Le PRI est balayé dans les urnes. Il monnaie son soutien au candidat de droite. Le candidat de gauche, qui était favori, dénonce une fraude et mobilise ses partisans.



17 juillet : blocus des hôtels et complexes touristiques. La Guelguetza, fête indigène devenue foire commerciale, est annulée. Une Guelguetza alternative sera célébrée avec succès. Le ministre du tourisme parle d'une catastrophe "comparable à l'ouragan Wilma".



23 juillet : manifestastion contre le mitraillage de Radio Universidad. Six paysans sont placés en garde à vue. Après les avoir libérés, la foule saccage le commissariat et danse dans la rue.



27 juillet : l'APPO (Asamblea Popular de los Pueblos de Oaxaca) demande au Sénat de destituer le gouverneur qui affirme que "Oaxaca est en paix". Tentive flagrande d'étouffement.



1er août : une manifestation des femmes armées de casseroles occupe la radio-télévision officielle.



3 août : des hommes masqués tirent à la kalachnikov sur les locaux de la télé occupée.



9 août : meurtre de 3 indiens de l'APPO. Arrestation de 2 leaders de l'APPO, accusés de rébellion. 3 instits sont enlevés par des inconnus et torturés dans un commissariat.



10 août : manifestation réclamant la libération des 3 instituteurs. Des barbouzes ouvrent le feu : 3 morts. Un site internet appelle au meurtre des figures de l'APPO.



16 août : les organisations patronales supplient le président Fox d'intervenir, parlant de "dégâts économiques à effet domino".



17 août : grève civique des syndicats de la santé, des télécommunications, de l'université et des services municipaux. Tentative d'arrestation du leader de l'APPO : les policiers sont giflés, désarmés puis livrés aux autorités.



21 août : des paramilitaires expulsent les occupants de la télé officielle. Dans les heures qui suivent l'APPO investit 12 radios commerciales.



22 août : un "convoi de la mort" parcourt les rues et tire sur les radios occupées : 2 morts. Des dizaines de barricades se dressent pour empêcher les tueurs de circuler.



23 août : le procureur génréla accuse l'APPO d'être un mouvement de guérilla urbaine.

25 août : de mystérieux guérilleros distribuent des tracts soutenant l'APPO, la mobilisation anti-fraude et l'EZLN... Effet immédiat : l'armée patrouille la zone et intimide les assemblées de l'APPO.



30 août : le quotidien "La Jornada" révèle que 1200 hommes de main s'entraînent dans 2 casernes du centre du pays en vue d'intervenir contre les mouvements d'insurrection civile.



31 août : les travailleurs de la santé sont en grève depuis 2 semaines.



1er septembre : Manifestation de très grande ampleur, l'APPO réclame un soutien plus actif de l'EZLN (des Zapatistes). "Les rues puent la sueur d'Indien et le graffiti Anarcho-punk", écrit un journaliste.



Le 25 novembre 2006, le gouvernement de l’État fédéral a utilisé les forces de police et l’armée fédérale pour organiser la répression la plus brutale qu’Oaxaca ait jamais connue et qui s’est soldée par l’arrestation de plus de 350 personnes – parmi lesquelles des femmes, des enfants et des personnes âgées – qui ont été transférées vers des maisons d’arrêt de « haute sécurité », en réalité des centres de torture officiels. 63 personnes sans défense ont été assassinées, de nombreuses personnes, hommes et femmes, ont été violées, il y a environ 50 disparus, 500 ordres d’arrestation sont maintenus à l’encontre de militants pour motif politique, et une violente répression s’est déchaînée contre les représentants de communautés indigènes, d’enseignants, de femmes et d’autres groupes sociaux qui développent une activité publique et ouverte, les obligeant à se cacher ou à s’exiler hors de l’Etat fédéral de Oaxaca.
Malgré la Clause Démocratique qui régit les accords commerciaux de la Communauté Européenne avec les autres économies du monde, certains pays de l’UE sont passés outre et ont avalisé de manière indirecte le comportement antidémocratique et les violations des Droits de l’homme dont se rend coupable le gouvernement du Mexique et de Oaxaca.


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